lundi 13 juillet 2015

Un héros obscur de l'instruction chez nous


Fouinant hier soir encore dans les passionnantes et très instructives Petites choses de notre histoire, cet ouvrage en 7 tomes de Pierre-Georges Roy, fondateur de nos Archives nationales pour qui notre peuple  devrait exprimer une reconnaissance inépuisable - ce qui hélas est loin d'être le cas -, je suis tombé sur une brève présentation qui m'a beaucoup touché de Félix-Emmanuel Juneau, un personnage dont je n'avais jamais entendu parler. 

Félix-Emmanuel Juneau (cliquez sur son nom pour une biographie plus élaborée) était l'un de nos compatriotes qui ont fait le plus pour l'avancement de notre peuple, en se dédiant à l'éducation de ses compatriotes canadiens-français, afin qu'ils puissent le mieux possible s'approprier les connaissances et la culture tant nationale qu'universelle. 

Le portrait qu'en fait Pierre-Georges Roy m'a touché, notamment par le fait, mis en évidence par Roy, que Juneau semblait avoir en horreur le narcissisme, les flatteries, la vantardise et la soif de gloriole qui, à n'en point douter, caractérisent ces pseudo intellectuels qui cherchent à masquer leur vacuité et leur insignifiance en agitant leurs faux brillants. L'inutilité de cette engeance vaniteuse qui s'avère aussi désagréable que les coquerelles n'est plus à démontrer, nos médias, tout comme les réseaux sociaux, en sont sursaturés. 

Il est donc bon, sinon réconfortant et certainement inspirant de savoir que nous, descendants de Nouvelle-France, avons bénéficié durant notre histoire de la contribution de héros anonymes qui ont dédié leur génie authentique au service de l'avancement et du mieux-être de notre peuple. Félix-Emmanuel Juneau était l'un de ceux-là, et son exemple, souhaitons-le ardemment, devrait être davantage imité. Le Québec en éprouve de nos jours un urgent, sinon cruel besoin. 

Ce qui m'a déterminé à vous présenter ce compatriote qui était porteur de vraie grandeur est le vibrant appel de Pierre-Georges Roy à raviver le souvenir de Félix-Emmanuel Juneau auprès des jeunes générations. Roy écrivait cela en 1946. Alors je me suis spontanément dit qu'il en va de mon devoir citoyen de faire la même chose, depuis ma modeste tribune. J'espère toutefois que vous serez nombreuses et nombreux à vouloir rendre hommage, en projetant sur lui un peu de lumière, à cet authentique pionnier de l'éducation de notre peuple, dont la contribution montre notamment la sotte fatuité de la thèse, très en vogue chez nos phraseux universitaires et nos papoteux médiatisés, qui prétend qu'avant la soi-disant «révolution tranquille» notre peuple n'aurait été plongé et maintenu que dans l'ignorance et les ténèbres. 

La vérité est que des Félix-Emmanuel Juneau, nous en avons eu beaucoup dans notre histoire, et nous avons tous les motifs d'en être fiers. Se souvenir des hommes et des femmes de bien qui ont favorisé l'avancement culturel de notre peuple est effectivement une manière de nous faire au moins un peu oublier l'insignifiance des ineptes papoteux qui nous tiennent lieu aujourd'hui de faiseurs d'opinions et le cynisme des bureaucrates et autres « lologues » insipides qui ont parasité et gangrené notre système public d'éducation au point d'en faire une vaste entreprise à la fois de décervelage et de dénationalisation. 

Donc, la parole est à Pierre-Georges Roy : 

L'inspecteur d'école Juneau

«Félix-Emmanuel Juneau n'occupa pas une haute situation dans la société. Il fut maître d'école presque toute sa vie, mais le nom de cet homme de mérite devrait au moins être connu des jeunes générations. 

Né à Québec le 27 mai 1816, il fit ses études classiques au séminaire de Québec et au collège de Sainte-Anne de la Pocatière. Puis, il ouvrit une toute petite école dans le faubourg Saint-Roch, à Québec. Il y enseigna pendant vingt ans avec un dévouement inlassable et un grand succès. Que de citoyens importants de Québec lui durent leurs succès ! 

En 1857, M. Juneau devenait professeur à l'École normale Laval puis, en 1859, inspecteur d'écoles, charge qu'il conserva jusqu'à sa mort, le 17 février 1886. Il avait publié plusieurs manuels scolaires, entre autres Le calcul mental, les Leçons de choses, la Nouvelle méthode pour apprendre à bien lire, l'Alphabet en collaboration avec Napoléon Lacasse, etc., etc. Tous ces manuels furent approuvés par le Conseil de l'instruction publique et furent en usage pendant plusieurs années. 

Instituteur, M. Juneau savait parler aux enfants et c'est là le mérite de ses livres de classe. M. Juneau n'était pas un savant au sens du mot, mais il possédait la science de son métier et en fit profiter des milliers d'enfants. 

Humble, très humble, il fuyait les honneurs et les éloges le faisaient rougir. Que de bonnes oeuvres cet homme de bien a accomplies dans l'ombre, pour ainsi dire en cachette. [...] C'est à un homme comme M. Juneau qu'on pourrait appliquer l'expression : Il ne devrait pas mourir. Peu de générations ont fourni des hommes aussi utiles que cet humble maître d'école qui était à la fois un instituteur et un exemple pour ses contemporains». (1) 

Puis, dans un autre ouvrage du prolifique Pierre-Georges Roy, Fils de Québec (tome 4), on peut lire cet extrait de l'article publié dans le journal Le Courrier du Canada à l'occasion du décès de Félix-Emmanuel Juneau : 

«M. Juneau était véritablement un homme instruit, mais chez lui l'humilité l'emportait sur la science. Il fuyait les éloges et les honneurs, et voilà pourquoi il vécut toujours dans un état pour ainsi dire obscur, quoiqu'il fut connu et aimé de tout le monde. La vertu a beau se cacher, elle finit invariablement par révéler ses effets bienfaisants et par enflammer le coeur des indifférents même. [...] M. Juneau était d'une charité sans exemple. Il faudrait des volumes pour redire tout le bien qu'il a fait. Et que de bonnes oeuvres il a accomplies dans l'ombre !» (2)

(1) Pierre-Georges Roy, Toutes petites choses du régime anglais, tome 2, Québec, éditions Garneau, 1946, p. 256-257. 

(2) Pierre-Georges Roy, Fils de Québec, tome 4, p. 10-11. 

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